La maison d'Ettehadieh, restaurée par Ákaran Architects, est un ensemble de bâtiments et de cours intérieures qui a vu le jour il y a environ 150 ans. C'est une prouesse à la fois architecturale et urbaine reflétant un chapitre de l'ancien Téhéran et de ses habitants ; un véritable exemple de poésie architecturale spatio-temporelle.

Réparti sur 9 000 mètres carrés, situé au cœur de l'avenue Laleh-Zar à Téhéran, ce site historique raconte l'histoire de la famille Ettehadieh qui a déménagé de sa ville natale de Tabriz il y a environ 105 ans. Pendant les 50 années précédant leur déménagement, la propriété appartenait alors à Amin-ol-Sultan, trésorier du Shah de Qajar, et était utilisée par la famille royale pour accueillir les invités étrangers au palais et les divertir. Le manoir principal ou «Emaarat» était autrefois la résidence principale d'Amin-ol-Sultan.

Au fur et à mesure que la famille s'agrandissait, de nouvelles maisons étaient ajoutées pour les nouveaux membres de la famille Ettehadieh. De par son emplacement stratégique entre les avenues Ferdowsi et Lalehzar, deux routes majeures de l'ancien Téhéran, la propriété a également été au cœur de certains mouvements politiques, rassemblements et révoltes. 

La majeure partie des bâtiments date de la période Pahlavi. Il existe également des preuves (y compris des photographies en vue aérienne) qui nous laissent à penser que le site était en excellent état de conservation et même à son apogée dans les années 1940. Plus tard dans les années 1970, la maison est devenue le plateau de tournage de la célèbre série iranienne "Mon cher oncle Napoléon", inspirée d’un roman comique illustrant différents clichés concernant des personnages iraniens. Depuis lors, la maison est communément appelée « la maison de l'oncle Napoléon ».

La révolution islamique de 1979 a mis fin à l'identité culturelle et au romantisme de l’avenue Lalehzar, la transformant en une rue de vente de matériel électronique et a laissé la maison vide ; de nombreux membres de la famille ayant soit émigré, soit déménagé ailleurs.

Patrimoine et identité culturelle 

Du fait de son identité unique et de tous les évènements qu'elle a traversés, la maison a acquis une importance patrimoniale majeure. Elle a été rachetée pour être restaurée et conservée en tant que bâtiment classé par la municipalité de Téhéran en 2013. L'objectif de Ákaran Architects était de restaurer le site pour en faire un lieu culturel d’accueil du public dans le cadre d’étapes préliminaires s’inscrivant dans un processus progressif visant à redonner à Lalehzar son ancienne identité culturelle ; un centre communautaire qui accueillerait une large éventail d'événements et d'activités.

La maison qui appartenait autrefois à une famille appartient désormais à la ville et a déjà redonné un certain goût au quartier qui l’entoure. Elle sert non seulement de destination nostalgique à visiter dans Téhéran, mais aura également pour objectif de servir certaines tranches d'âge de la partie moins privilégiée de la communauté. 

Au tout début, le site était devenu une toile archéologique composée de différentes strates enfouies au fil du temps que les architectes devaient redécouvrir pour prendre de bonnes décisions tant pour la restauration des parties anciennes que pour la conception de nouvelles annexes. De nombreux débris et accrétions sans véritable valeur historique ont dû être enlevés pour rendre le site lisible. Il a été décidé que les principaux éléments de patrimoine tels que les travaux complexes de plâtre et de tuiles, les cheminées, les sols et les plafonds seraient conservés et restaurés dans leur état d'origine.

Pendant ce processus les architectes ont découvert 9 étangs, quelques artefacts, 2 colonnades (qui ont été découvertes par des parties de maçonnerie enterrées et des traces dans les fondations souterraines) et des espaces tels qu'un bain public très intriguant (qui avait été enterré) ; ces éléments ont été excavés lorsque c’était possible et restaurés le cas échéant. Le Hozkhaneh (qui avait été démoli et était devenu une cour abandonnée) a été réalisé, re-narré et construit à partir de zéro.

Des photos historiques aériennes et des fouilles archéologiques ont contribué à la découverte de tous ces espaces. Chaque espace a été doté d'un nouveau récit social et adapté pour accueillir le public à bras ouverts. Le nouveau projet comprend des galeries, un café, un restaurant, des salles de lecture et des bureaux administratifs. 

Un nouvel ajout au site est l'amphithéâtre souterrain et les galeries. Ceux-ci ont été conçus et placés sous terre pour réduire l'imposition d'une nouvelle charge sur le site existant. La première de cette série d'annexes est ce que les architectes ont appelé « Le Forum » ; d'une hauteur sous plafond doublée, la salle polyvalente occupe à son niveau inférieur le sous-sol et à son niveau supérieur, le rez-de-chaussée d'une ancienne remise à calèches appelée Maison du fiacre. Ce Forum occupe une superficie d'environ 110 mètres carrés.

Le contraste d'un espace moderne immaculé et accueillant avec les anciens matériaux du site originel attire le public et le plonge dans un étrange sentiment d'appartenance et de sérénité. La composition très pure de l'intérieur est surprenante pour quelqu'un qui vient d'un site restauré dans son état d'origine d'il y a plus d'un siècle ; on a presque l'impression de voyager dans le temps puis d'être projeté dans le présent. 

Les architectes ont également proposé deux autres annexes souterraines, dans le cadre d'un programme de développement ; ce seraient des espaces dédiés aux ateliers publics et aux galeries, qui seraient localisés via des rampes circulaires. Ceux-ci seront potentiellement construits à l'avenir dans des sites adjacents qui ont également été rachetés par la municipalité pour poursuivre le processus de régénération du lieu.

La pandémie de Covid-19 a empêché le projet d'être utilisé à sa juste valeur et l'a empêché de s'ouvrir entièrement au public. Cependant, le jardin, l'amphithéâtre et certaines galeries ont pu être utilisés pour organiser des rassemblements littéraires, des événements culturels et des conférences. Le Hozkhaneh, par exemple, a accueilli le musicien de renommée internationale Keyhan Kalhor pour un concert en ligne gratuit et de nombreuses projections de films pendant la pandémie.

Le site de 8640 mètres carrés dispose de trois entrées, une sur Lalehzar, une sur Ferdowsi Avenue (Honar close) et une sur Barbad alley (qui abritait la Société des Arts de Barbad d'où le théâtre de Téhéran a débuté), ce qui le rend très accessible.

Avec quatre cours qui sont toutes destinées à être utilisées pour des événements publics en cas de besoin, le site abrite les espaces suivants. Chaque maison porte le nom de son occupant d'origine pour rappeler le concept qu’un ancien manoir privé appartiendra désormais à la communauté. 

Maison d'Esmaeil - Galerie d'introduction présentant la maison, son histoire et l'histoire de ses propriétaires et présentant le processus de rénovation/réhabilitation du lieu. 

Maison de Lady Farah et Maison de Massoud - Ces deux maisons sont interconnectées et partagent une cour à l'arrière. Aussi polyvalentes que leur taille leur permet, elles seront utilisées pour des cours et des ateliers communautaires ; elles sont également idéales pour accueillir des ateliers caritatifs, par exemple pour les enfants devant travailler. 

Maison de Haj Rahim - C'est l'espace dont le public se souvient le plus car la plupart des scènes de la célèbre série télévisée « Mon cher oncle Napoléon » y a été filmée. Cet espace sera principalement dédié aux activités liées au cinéma que ce soit des ateliers, des expositions ou encore des cours. 

Maison de la Paix (dont le sous-sol était secrètement utilisé par le Parti Tudeh, le parti communiste iranien) – Elle sera dédiée à Téhéran, à son histoire et à ses récits. Elle accueillera une collection permanente et des expositions temporaires montrant l’évolution de la ville et de sa population cosmopolite. C’est le symbole de la maison d'Ettehadieh devenant une maison pour tous les Téhéranais. 

Hammam (Bains publics) - Il avait été enterré avec le temps et a récemment été redécouvert ; symbolisant la survie et l'espoir, il fait maintenant partie du jardin en plein air en tant que chemin de promenade. 

Maison de Dame Massoumeh – Elle abrite le seul badguir (littéralement « attrape-vent ») du lieu. C’est également un espace polyvalent, proche des bureaux administratifs. Cet espace est dédié au soutien des jeunes sculpteurs et des artistes d’installation de Téhéran, dans leur travail ainsi que dans leur formation. 

Maison d'Abdolhossain - Café/Restaurant 

Hozkhaneh - C’est un espace qui avait été perdu au cours des années, redécouvert et entièrement rénové, c'est un espace disposant d’un toit mais ouvert sur les quatre côtés, réalisant ainsi un prolongement à la cour d'honneur ; il est parfait pour les événements publics (conférences, foires, ventes caritatives, etc.) et les spectacles. 

Maison du fiacre – Elle contient l'amphithéâtre 'Le Forum' (salle polyvalente) et ses espaces périphériques. 

Annexe A et Annexe B – Ce sont de grandes galeries souterraines qui ont été construites sur toute la longueur du site.

Matériaux, construction et technologie

* Du fait du passage d'un usage privé par le passé à un usage public après rénovation, tous les bâtiments ont été structurellement renforcés (également contre les tremblements de terre) pour répondre à la capacité dans laquelle ils seront utilisés dans l'ordre suivant :

- Installation de micropieux pour l'amélioration des sols et des fondations en 640 points.

- construction de fondations correctes sous tous les murs porteurs, renforcement des voûtes

- nettoyage et élimination des joints de mortier des murs en briques, remplacement des briques endommagées, injection dans les murs d'un renforcement homogène, renforcement des briques avec du mortier.

- mise en place d’un revêtement et préparation de tous les murs pour leur réparation et leur réhabilitation avec un mortier composite pour la procédure d'application FRP (polymère renforcé de fibres)

* Maison d'Abdolhossein - La nouvelle structure en bois (colonnes + poutres) entièrement exposée, a été conçue et construite comme une combinaison de bois de Sapele, de tôles d'acier doux renforcées avec des assemblages par boulons et écrous. Le toit et la charpente reposent sur cette structure qui n'interfère en rien avec l'architecture existante.

* Tous les cadres de fenêtres en bois ont été restaurés et réparés sur place. En plus des charpentes, tous les toits renforcés ont été restaurés.

*  Plus de 6000 pièces de chutes de tuiles faites à la main ont été découvertes et étiquetées, dont 550 tuiles ont été restaurées dans leur état d'origine.

*  Un certain nombre de murs de briques dont on a découvert qu’ils avaient été complétés récemment ont été démantelés ; démantèlement au cours duquel toutes les briques ont été étiquetées, numérotées et réutilisées dans la réparation et la restauration des espaces, ce qui les rend très durables et respectueux de l'environnement.

*  L’identification et l’élimination des débris divers causés par des accrétions aléatoires et des enfouissements de matériaux au fil du temps